Tunisie : carnet de voyage oriental
En 14 ans : de la révolution à l’adieu au père.
Témoignage de 2 séjours effectués en Juin 2008 et Octobre 2022 à Tunis.
Excursion de juin 2008 : les vacances
Comme à son habitude, mon père est là, droit comme un I, pour nous accueillir à l’aéroport au coeur d’une foule bigarrée, voilée, enthousiaste et bruyante. Autour de lui des hommes tiennent des panneaux avec des noms européens s’adressant aux touristes de marque. Lui nous adresse son sourire si doux et enveloppant. Il est heureux comme un enfant.
En quelques jours, le vent traître et violent laisse la voie libre au soleil d’Afrique pour marquer au fer la face exposée de nos corps exposés sans anticipation à ses rayons brûlants. Comme ne cesse de le répéter mon paternel pour justifier la conduite routière caractéristique, et les aberrations éveillant chez Maria la surprise: « c’est ça l’Afrique les filles, va falloir vous y faire ! ».
Une circulation infernale
Pour la toute première fois, mon père me laisse prendre le volant dans cette folie. Conductrice pour l’occasion, remplaçant mon père qui depuis sa chute alpine a perdu certains réflexes, je force le passage entre les voitures indisciplinées, bravant la circulation estivale entre ville et rase campagne. Les autochtones, la clope au bec, nerveux, impatients et excédés par la chaleur, se servent de leur klaxon comme d’un porte-voix, anticipant le passage du feu rouge au vert. Je suis assistée par mon copilote de père, me susurrant les directions sans réelle anticipation, à son habitude. Je fais mes preuves avec brio!
Cap Serrat, fief du cap Bon
Nous passons deux jours dans un coin de paradis, où j’ai pour habitude de me rendre depuis mon enfance avec ma famille et des amis. C’est un petit village sauvage sur la pointe nord, à l’ouest de Bizerte, bordé de falaises rocheuses: Cap Serrat. Papa y a toujours pêché et campé. Aujourd’hui il ne peut plus.
Des kilomètres de plage au sable fin se profilent à l’horizon, suivies de forêts d’eucalyptus.
Lorsque l’on entame une longue marche mi-cheville dans l’eau lagunaire, marquant le sable de nos empreintes,on parvient à de splendides criques quasi-désertes, épargnées par l’anthropisation.
Nos amis berbères que ma famille connaît depuis plus de 20 ans, nous accueillent à bras ouverts, avec des produits de la mer et plein d’égards.
Ils grillent la pêche du jour accompagnée de tabounas-pain à la semoule cuit dans un four en terre cuite. Nous mangeons, attablés sous un squelette de maçonnerie, silhouette de la future pension.
Tunisie la mal aimée
Ce pays est moins encensé que le Maroc, moins grand, moins diversifié et pourtant je m’y sens chez moi. C’est ma deuxième patrie et j’y ai des souvenirs marquants. Alors je l’observe, assise dans mon jardin à contempler le luxuriant bougainvillier rose tombant en cascade de ma fenêtre sur le mur de chaux blanche, fissuré et vétuste.
Les couleurs bleues et blanches et les vues embrumées sur les montagnes du Boukornine et Ressas. Ces sommets que l’on a gravis avec le club de marche de mon père dans mon adolescence. Géants immuables qui gardent les empreintes de nos pas sur la terre craquelée. Et pourtant, elle est si fertile que lancer un noyau de dattes suffit à y faire pousser un palmier !
Voyage d’octobre 2022 : pèlerinage pour l’ultime épopée du père
Je pars avec 2 amis, mon père dans les bagages. Papa est avec nous sous forme de poussière. On va lui rendre un ultime hommage.
Le comité d’accueil n’est plus
Cette fois-ci il n’y a personne pour nous accueillir à l’aéroport, à part des chauffeurs de taxi racoleurs. Il est plus de minuit, ça aussi c’est une première…après une négociation ferme, le taxi démarre en trombe à travers l’avenue séparant l’aéroport du centre de Tunis, délimitée par des terre-pleins et des clôtures de fer. Les légendaires panneaux publicitaires géants rythmant le trajet. Les lumières dansent à travers la vitre obstruée par de vieux pare-soleils poussiéreux. Le chauffeur, stressé et peu chaleureux, le téléphone coincé entre le cou et l’épaule écoute, stoïque, son interlocuteur. Il conduit d’une main, fume de l’autre. Il brûle les feux rouges, c’est normal la nuit. Les rues sont quasi désertes. Des déchets ça et là, éparses. Il nous dépose à l’endroit dit et me tend une cigarette après avoir essuyé un refus,insiste. Je la prends et réalise que je vais dormir pour la première fois dans la vieille ville, Medina près de la Grande Mosquée Al Zitouna.
Les souvenirs se voilent
Tout ressurgit comme les souvenirs pour Patrick Bruel alias Ben Guigui: les murs à chaux blanche, le jasmin qui embaume la nuit douce, les rues tortueuses. Il fait doux pour un soir d’octobre. La maison fissurée au jardin merveilleux a été vendue en 2010 et le nouveau propriétaire l’a rasée et remplacée par un blockhaus sans âme.Il empiète sur les voisins, le bougainvillier a disparu…
Alors celui que je vois ce soir grimpant les hauts murs de la Medina me fascine. On ne croise que des chats errants, nombreux, éternels. Certains sont endormis, roulés en boule au milieu du chemin, ou recroquevillés sous un porche; d’autres amaigris déchirent les sacs poubelles déposés au sol pour y voler des dorsales de poisson ou des restes de merguez.
Et les portes traditionnelles tunisiennes sont retapées, colorées: jaune ou bleue cloutées avec un heurtoir en fer forgé par des artisans.
Au coeur de la Medina
Le lendemain, la ville s’éveille en fanfare. Logés au 3eme d’une pension de 5 étages, on entend du brouhaha: les gens crient, s’appelent, ouvrent leur boutique du souk. On se croirait au Panier à Marseille. Le Muezzin qui appelle à la prière 5 fois par jour, les rires des enfants. Nous déjeunons sur le toit-terrasse, et là c’est le film “Halfaouine, l’enfant des terrasses” qui me revient en mémoire.
Je défais mes bagages, papa est là avec nous dans des boîtes. J’aimerais tant qu’il puisse revoir sa Tunisie. La survole-t-il ? Tous disent qu’elle a changé mais certaines choses semblent figées, gravées dans le marbre. Le souk, la mentalité et les traditions. Avec une crise économique en toile de fond, qui a engendré insécurité, chômage et pauvreté. Une désillusion des jeunes qui réclament quelques dinars pour un service rendu, presque chaque jour !
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